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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 15:02

 

AUTUN baptise la première rue de la Décentralisation

 

 

 

Discours de Rémy REBEYROTTE

 

 

 

Lorsque le 31 mai 2010, le Conseil Municipal a voté à la majorité – la décentralisation visiblement est un engagement politique de progrès avec lequel la droite jacobine a toujours eu beaucoup de mal -, le baptême de la rue bordant l’Hôtel de Ville « rue de la Décentralisation », nous savions que le 2 mars 2012 serait le 30ème anniversaire de la publication au Journal Officiel de la première loi de décentralisation voulue par François Mitterrand et portée par Pierre Mauroy et Gaston Deferre.

 

Par contre, nous ignorions que François Hollande serait le candidat de la gauche à l’élection présidentielle et qu’il viendrait faire un discours important sur le thème de la décentralisation à Dijon le 3 mars. De ce fait, François Patriat a mobilisé ce matin les élus bourguignons proches de François Hollande pour préparer ce temps fort. Aussi, et j’excuse son absence ainsi que celle de Christophe Sirugue et d’André Billardon, que j’aurai plaisir à retrouver demain avec vous tous – un bus partira d’Autun à 11 heures 30– autour de François Hollande pour ce moment important.

 

Elu Président de la République, François Mitterrand annonçait au Congrès des Maires de 1981 : « j’ai pris le pouvoir pour vous le rendre », là où d’aucuns pourraient dire aujourd’hui « j’ai pris le pouvoir pour m’en servir ».

 

Il faut rappeler aux plus jeunes d’entre vous ce qu’était la France d’avant 1981. Les Elus locaux, Elus du peuple, Elus de la République, étaient sous la tutelle des Préfets. Ils ne détenaient pas le pouvoir exécutif. Dans les Départements, le Préfet convoquait, établissait le budget. Les Elus avaient le droit d’émettre des opinions, et surtout de partager les agapes préfectorales. Voilà pour les Départements. Les Maires étaient avant tout des auxiliaires de l’Etat, soumis au contrôle a priori, et les Régions de simples Etablissements Publics : il faudra attendre 1986 pour que les Conseillers Régionaux soient élus au suffrage universel. A partir de 1982, tout change : les Communes s’administrent librement et le contrôle de légalité n’est plus qu’a posteriori. Elles ne sont plus sous tutelle. L’exécutif départemental revient au Président du Conseil Général. Là encore, les Départements s’administrent librement et prennent des compétences fortes. La Région devient enfin une structure démocratique dont le Président de Conseil Régional est l’exécutif. François Mitterrand l’a voulu ainsi parce qu’il avait trop connu dans la Nièvre ce que la tutelle des Préfets voulait dire. A l’arrachée, il avait été le premier à créer des fonds spécifiques gérés par des Elus, fonds qu’importera en Saône-et-Loire André Billardon en 1982 avec la création du Fonds d’Aide à l’Equipement des Communes (FDAEC).

 

La décentralisation est d’abord un état d’esprit, faire confiance à la démocratie locale, aux Elus locaux, pour gérer la proximité. C’est également une dynamique qui a permis de moderniser le pays et de soutenir l’investissement depuis trente ans. Il suffit de voir ce qu’étaient les cœurs de villages il y a trente et aujourd’hui, ce qu’étaient les lycées ou les CEG de l’époque : que de chemin parcouru !

 

Depuis cinq ans, nous vivons un retour en arrière considérable lié au jacobinisme présidentiel, sans doute à sa difficulté de partager le pouvoir. Les collectivités territoriales ont largement perdu leur autonomie financière et fiscale, le rapport de confiance entre elles et l’Etat a été rompu et elles ont du mal à saisir ce que l’Etat attend d’elles. La dernière loi du 16 décembre 2010 est d’ores et déjà un échec, parce qu’elle est trop tardive, trop politique, notamment par rapport à la couleur des Régions, et surtout parce que son fondement est la mise en accusation intolérable et injuste du travail des Elus locaux.

 

En 2004, les Assises des Libertés Locales qui mettaient en avant la demande de Régions plus fortes, adaptées à la logique européenne, et la clarification des compétences à travers la notion de chef de file, avaient créé un grand espoir ; espoir immédiatement évanoui par le basculement à gauche de vingt-et-une Régions métropolitaines sur vingt-deux, la loi du 13 août 2004, contre toute attente, renforçant les Départements, ou plutôt favorisant pour la première fois les transferts massifs de compétences sans les moyens afférents. Là où François Mitterrand avait construit la décentralisation comme étant une grande inspiration républicaine, même si cela allait contre les intérêts de son camp, le pouvoir depuis dix ans n’envisage la décentralisation que comme une manière de mettre les Elus locaux en accusation, de les mettre en difficulté, pour servir ses propres intérêts.

 

Il faut donc aujourd’hui un nouvel acte, un nouveau pas qui améliorera le fonctionnement de la décentralisation. Celui-ci devra se faire dans la concertation, concertation que le Président Jean-Pierre Bel a d’ores et déjà lancée au niveau du Sénat. Il s’agira sans doute, et je dirai enfin, de renforcer les Régions qui doivent impérativement compter au plan européen. Il s’agira de clarifier les compétences et notamment dans une logique de chef de file. Les Régions pourraient notamment se voir confier non seulement l’économie et la formation mais aussi l’emploi et l’enseignement supérieur, le Département conservant ses pouvoirs de proximité, en lien avec la montée des intercommunalités. Renforcer les Régions et clarifier les compétences, c’est immédiatement renoncer à la fameuse logique du Conseiller Territorial qui n’est autre qu’un non-choix, un mélange des genres au risque de renforcer les Départements et de créer encore davantage de flou. La notion de chef de file, c’est dire à chaque commune et intercommunalité que dans chaque secteur, elle aura un interlocuteur qui se chargera de monter les co-financements. Enfin, il s’agira de remettre en place un pacte de confiance et de solidarité entre l’Etat et les collectivités territoriales, de redonner aux pouvoirs locaux une autonomie financière et fiscale, et de limiter les inégalités de moyens et de développement par une réelle péréquation. L’approche de François Hollande est la bonne : mener une réforme de cette ampleur, en parallèle à la grande réforme fiscale que nous attendons tous, dès le début du mandat ; tout le contraire de Nicolas Sarkozy, dont la réforme est en panne parce qu’elle fut trop tardive et trop liée aux échéances et enjeux politiques.

 

Un dernier point : les Elus décentralisateurs sont-ils des adversaires de l’Etat ? Absolument pas. Nous avons besoin de pouvoirs déconcentrés de l’Etat efficaces, en phase avec le mouvement de décentralisation, présents et forts sur le terrain ; nous avons besoin de Préfets républicains, qui s’assurent que la démocratie locale est une réalité, qui respectent la loi et la font respecter, qui coordonnent l’action des services décentralisés, en rappelant l’unicité de la position de l’Etat. Bref, nous avons besoin d’un Etat partenaire comme l’Etat a besoin de collectivités territoriales partenaires. Et ce que l’on peut regretter depuis dix ans, c’est que les réformes successives de l’Etat, la fameuse RGPP, ont visé à diminuer les moyens de proximité, les moyens déconcentrés de l’Etat, l’Etat dans les Régions mais encore davantage dans les Départements et les Arrondissements, sans remettre en question fondamentalement l’Etat central, le « léviathan » parisien, pour reprendre l’expression de Hobbes. La nouvelle étape de décentralisation doit s’accompagner d’une véritable déconcentration des moyens d’Etat qui aujourd’hui renforce sa présence au niveau régional, et c’est bien, mais doit le faire au bénéfice de la diversité des territoires et sans doute au détriment d’une administration centrale quelque peu pléthorique.

 

Je vous remercie.

 

 

Vendredi 2 mars 2012

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